ACHEMINER LES PRODUITS ALIMENTAIRES À TRAVERS L’AFRIQUE DE L’OUEST – Le Bon, le Mauvais et La promesse

ACHEMINER LES PRODUITS ALIMENTAIRES À TRAVERS L’AFRIQUE DE L’OUEST – Le Bon, Le Mauvais Et La Promesse

July 31, 2025
BY Admin

Par : Earl ANKRAH & La Banque Mondiale / Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation  

Le commerce intra-régional des produits agricoles et alimentaires est crucial pour la résilience du système alimentaire en Afrique de l’Ouest. Cependant, des défis persistants entraînent des flux commerciaux officiels plus faibles que dans d’autres régions d’Afrique. Plusieurs politiques ont été mises en place pour faciliter et renforcer ces échanges dans toute la sous-région. Parmi elles figurent, entre autres, le Schéma de Libéralisation des Échanges de la CEDEAO (ETLS), la Politique Agricole Commune de la CEDEAO (ECOWAP) et la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf). Bien que l’adoption de ces politiques et cadres soit louable, les preuves indiquent que les États membres de la CEDEAO peinent à mettre en œuvre ces politiques normatives.

Ainsi, grâce au Programme de Résilience du Système Alimentaire en Afrique de l’Ouest (FSRP), financé par la Banque mondiale à hauteur de 1,2 milliard USD, la CEDEAO a conçu et lancé le Tableau de Bord du Commerce et du Marché Agricole de la CEDEAO (EATM-S) comme initiative phare pour suivre et améliorer la conformité des États membres aux normes convenues.

LE BON

L’Afrique de l’Ouest est une région historiquement intégrée depuis le VIII siècle, abritant les premiers empires africains connus, tels que l’Empire du Ghana et l’Empire du Mali (aussi appelé Mandé) au XIII siècle, couvrant plusieurs pays actuels d’Afrique de l’Ouest. Ces empires entretenaient de solides relations commerciales avec leurs voisins. Riches en or, ils étaient situés au carrefour des routes commerciales reliant le Maghreb (au nord) et la région soudanaise (au sud). Outre l’or, le cuivre et le sel, les produits agricoles étaient largement échangés (Source : Niane, 1987).Le commerce était facilité par la présence de groupes ethnolinguistiques homogènes établis dans plusieurs pays, mais fragmentés durant la colonisation. Parmi eux : Le groupe Mandingue – présent au Mali, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Guinée-Bissau et Gambie.Le groupe Peulh – présent au Mali, Sénégal, Burkina Faso, Guinée, Guinée-Bissau, Ghana, Bénin, Niger et Nigéria. (Source : Bouet et al., 2024)

Créée en 1975, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a été mise en place pour assurer la stabilité et l’intégration régionale. Peu après, un jalon majeur a été franchi avec le lancement de l’ETLS en 1979, visant à favoriser le commerce régional. Initialement limité aux produits agricoles non transformés et à l’artisanat (pour des raisons de sécurité alimentaire), il a été étendu aux produits industriels en 1990.

Dans cette dynamique, le Ghana, membre important de la CEDEAO, continue de participer aux efforts d’intégration régionale grâce à la ratification et à l’harmonisation de plusieurs politiques et initiatives commerciales telles que l’ETLS, l’ECOWAP et l’établissement de la ZLECAf, dont le siège est à Accra.

 

 LE MAUVAIS

Malgré ces avancées régionales, l’harmonie espérée reste un mirage dans la sous-région. Les barrières, points de contrôle, arrêts interminables et inspections routières persistent. S’ajoutent à cela : Des droits de douane élevés, des frais divers, des formalités documentaires complexes aux frontières, des obstacles administratifs, des heures d’attente et retards, des restrictions et interdictions, une mauvaise qualité des infrastructures routières, des actes de banditisme, harcèlement et abus envers les commerçantes, ainsi que des guerres civiles qui continuent de freiner les activités commerciales dans la région. Pour les commerçants de denrées alimentaires et produits agricoles, les conséquences sont encore plus graves. Transporter des tomates d’un pays à l’autre implique souvent de subir de nombreux contrôles, de longs stationnements sous des conditions climatiques extrêmes, ce qui détériore la qualité nutritionnelle des aliments – si tant est qu’ils arrivent en état de vente sur les marchés. Cette situation réduit les marges bénéficiaires, obligeant certains à augmenter légèrement les prix pour compenser les pertes, ce qui décourage l’entrée de nouveaux commerçants et laisse quelques acteurs dominer le marché.Le bétail n’est pas épargné. Les longs trajets sur des routes accidentées les désorientent, entraînant déshydratation et mortalité sous le soleil brûlant lors des voyages à travers plusieurs fuseaux horaires.

LA PROMESSE


Pour répondre à ces défis, le Tableau de Bord EATM-S a été créé afin d’identifier les lacunes dans la mise en œuvre nationale des politiques régionales de commerce agricole et alimentaire.

Grâce à ce mécanisme, la CEDEAO surveille et évalue les progrès réalisés par les pays membres pour supprimer les barrières, accélérer les processus, réduire les coûts et augmenter significativement les volumes d’échanges de produits alimentaires et agricoles (en particulier le maïs et le riz) dans la sous-région, avec pour objectif de passer de 20 % à 30 % d’ici 2028. Dans le cadre de cette évaluation, les autorités publiques et organismes de régulation de la sous-région – Douanes, organismes de normalisation, chambres de commerce, experts commerciaux, associations professionnelles – ont été interrogés. Les fabricants, grossistes, détaillants, commerçants transfrontaliers, transitaires, entreprises de logistique et de transport ont également fourni des informations cruciales.L’analyse s’est concentrée sur plusieurs aspects : Les flux et valeurs des importations et exportations agricoles intra-régionales, les restrictions, interdictions et frais appliqués, le temps et les coûts de passage, les documents exigés, les droits de douane, la qualité des infrastructures de transport, la fréquence des contrôles routiers.

Les résultats de cette évaluation, attendus pour le 3 trimestre 2025, permettront d’accroître la transparence et la responsabilité dans le commerce agricole au sein de la sous-région.

 

LA STRATÉGIE DU GHANA

Au début de son second mandat, le Président Mahama a entrepris plusieurs tournées de bon voisinage afin de renforcer les relations diplomatiques et économiques du Ghana avec ses pays voisins. Lors de sa visite au Mali, il a mis en avant le rôle essentiel des conducteurs de camions longue distance pour l’économie des deux nations. Il a reconnu les difficultés qu’ils rencontrent : Procédures douanières complexes, postes de contrôle routiers, retards aux frontières, frais informels.Il a réaffirmé l’engagement de son administration à éliminer les obstacles entravant la libre circulation des marchandises entre le Ghana et le Mali.

Lors de sa visite au Burkina Faso, il a annoncé des discussions pour établir des vols directs quotidiens entre Accra et Ouagadougou afin de stimuler les échanges commerciaux, la connectivité et les relations transfrontalières.Ces initiatives sont cruciales pour favoriser le commerce intra-régional, stimuler la croissance économique et renforcer les liens entre le Ghana et ses voisins.Déjà, grâce au financement de la Banque mondiale, FSRP Ghana modernise les installations de la Direction de la Protection des Végétaux et des Services de Réglementation (PPRSD) du Ministère de l’Agriculture (MoFA) sur quatre postes frontaliers : Paga, Hamile, Sampa et Aflao. Le projet prévoit également la réhabilitation de certains marchés de gros – Bolga, Abofour, Ejura, Agogo et Denu – où s’effectue un commerce intra-régional important de riz, maïs, etc.

Ces interventions faciliteront non seulement l’amélioration des activités sanitaires et phytosanitaires (SPS), mais renforceront également le commerce agricole entre le Ghana et ses pays voisins.

LES OMBRES DE L’ECOMOG

Pour FSRP Ghana, là où le commerce et les échanges échouent à s’étendre, conflits et famine s’installent. Par le passé, la CEDEAO était principalement reconnue pour ses opérations de maintien de la paix dans la sous-région, notamment via le Groupe de Surveillance du Cessez-le-feu de la CEDEAO (ECOMOG).Le Ghana a joué un rôle central dans ces missions, apportant troupes, armements, renseignements, financements et diplomatie pour favoriser la paix et la stabilité régionales.Aujourd’hui, aux côtés de la CEDEAO, de la Banque mondiale et des pays participants au FSRP, le Ghana prend les armes contre la faim, les aléas climatiques et l’insécurité alimentaire. Selon la vision de FSRP Ghana, les efforts de maintien de la paix dirigés par la CEDEAO ont permis de faire émerger des généraux militaires ; de la même manière, une campagne régionale contre l’insécurité alimentaire devrait désormais faire émerger des « Généraux de l’Agriculture » pour le Ghana.


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